Lorsque l'on se trouve sur le ponton de l'Embarcadère de La Tranche sur Mer, en Vendée, on regarde sur la gauche les petits bateaux qui ont jeté l'ancre dans la petite anse du Maupas, on observe la patience et la solitude méditative d'un jeune pêcheur à la cane qui a pris place sur les rochers à droite, on jette un oeil vers la petite baraque à frites et hamburgers en espérant qu'elle a déjà ouvert ses portes. Et comme souvent on vient là à l'heure du coucher du soleil, forcément nos yeux se perdent à l'horizon...
On aperçoit alors comme une frise frêle, un bas relief sombre, dont le dessin est parfaitement dupliqué, inversé sur le miroir de l'Océan. Oeuvre éphémère de la nature, c'est un mélange de réverbération, de lumière, d'air salin en suspension, de différentiel de température...? Dommage, mon smartphone n'est pas suffisamment puissant pour immortaliser cette vision étonnante... Et puis au bout : un phare, celui dit des Baleines. C'est l'île de Ré qui se dessine au loin...
Face à la côte Vendéenne, l'île de Ré en Charente Maritime fait parfois de l'ombre aux autres îles de l'Atlantique. D'ailleurs, c'est sur l'île de Ré que je voulais séjourner dernièrement encore. Pourtant, occasion déclinée lors de mon court séjour à la Rochelle il y a quelques années, et puis, concours de circonstance en mai dernier : je ne suis pas allée sur l'île de Ré cette fois non plus mais sur l'île d'Yeu.
D'Yeu que pour elle !
Chauvinisme à peine voilé ou élan sincère du coeur, les personnes qui me vantent alors spontanément les beautés de l'île Dieu (il semble que c'est ainsi qu'elle s'orthographiait avant la Révolution), me la décrivent avec un tel enthousiasme qu'elles finissent par me convaincre d'y faire une escapade... dès le Lundi. Coup de tête ... et coup de coeur aussi !
Pas de réservation d'hôtel, ni de bateau. On laissera la voiture quelques part une fois le port de Fromentine atteint. En réalité, le parking sauvage a peu de place ici mais trois sociétés bien rodées se partagent le marché du gardiennage de voitures et nous avons le choix entre deux compagnie de navigation. Aller à l’île d’Yeu ici, c’est un peu comme aller à Moorea, lorsque l'on vit à Tahiti. Panorama totalement différent et d’une circonférence moins importante cependant - tout juste 30 kilomètres de route côtière - on rejoint donc l'île d'Yeu par bateau, en 50 minutes en moyenne au départ de Saint-Gilles ou de Fromentine et l'on y passe naturellement le weekend. Le mot d’ordre : ne rien faire, apprécier …
Accordez-vous une pause si vous arrivez un peu avant midi à Port Joinville. Là, vous parcourez à pied le Front de mer et ses ruelles ensoleillées ; vous vous attardez dans ses petites boutiques balnéaires (souvenirs, vêtements d’été, articles de pêche, poissonnerie, boulangerie, fleuristes…). Nos estomacs s'agitent et nous faisons une halte au snack Martin, à l'angle de la rue de la République et de la Rue de l'Abbesse. L'établissement paraît simple, le service y est surtout très efficace.
L'île au sac à dos et patagos.
Alors que l'intérieur est plutôt bien aménagé, le pas de porte fait office de terrasse. Mais c'est là qu'il faut être pour prendre le soleil, capté par les façades blanches de la ruelle. C'est lumineux. Un critère essentiel pour moi, à l'heure de déjeuner. Ici nous attendent un Ricard rafraichissant, parfait pour accueillir un soleil au zénith, puis un chardonnay sec - le tout avec modération. Ce vin est idéal pour accompagner la spécialité, récente me dit-on, de l’île d’Yeu : les Patagos. Belle alternative aux traditionnelles moules-frites, les patagos sont des coquillages robustes ressemblant aux coques et aux palourdes, les stries en moins. Leur préparation à l’ail et à la crème est divine, je n'en fait qu’une bouchée !
La recommandation la plus courante pour découvrir l’île d’Yeu est de la parcourir à vélo. Même si l’envie d’une sieste clandestine sur un des petits bateaux amarrés nous guette, nous finissons par nous diriger vers l’une des nombreuses enseignes de location de vélo. Inutile de réserver, du moins en cette saison. Cependant, restez vigilant durant votre balade : un résident nous assure que le vol de vélo est fréquent.
L'île à vélo
Je ne saurai trop vous conseiller de louer votre bicyclette auprès de la sympathique équipe de La Roue Libre dont la devanture se trouve légèrement sur la gauche, face au débarcadère principal du Port-Joinville. Nous y rencontrons Olivier qui nous conseille attentivement pour le choix du vélo et sur les sites à ne pas manquer sur l’île. Et, comme là non plus nous n’avons pas réservé, Olivier nous propose même la maison de son père au cas où nous ne trouvons pas de logement avant la nuit. Un sens de l'accueil spontané, que l'on apprécie naturellement.
L’île aux sites protégés
Olivier nous apprend qu’il se prépare, comme notre ami Gael à la 8 ème édition du Trail de l’île d’Yeu qui était programmé le 24 juin cette année. 3 distances de 13, 23 et 45 km sont proposées aux participants. J'y vois déjà là une future destination idéale pour mon amie marquisienne, Tahia, accro de marathon et qui cette année a gagné le défi exceptionnel de participer et d'être finisher, en l'espace de moins de 10 jours, de deux marathons de renom, celui de Rome puis celui de Paris. Moins médiatique peut-être, la course de l’île d’Yeu pourrait bien compter parmi ses futurs défis sportifs les plus agréables à vivre.
La quasi-totalité des côtes de l'île d'Yeu est classée. Il faut parfois accéder aux sites à pied. Pas de pots d'échappement, pas de bruit excessif de moteur hurlant ni de voiture "boum boum" rivalisant de décibels ; pas de déchets jetés nonchalamment par la fenêtre, ni d'aménagements disharmonieux. Ici, c'est la nature et le patrimoine historique qui font loi. C'est ce qui explique que la balade est agréable pour la tête, pour les yeux ... et pour les poumons !
L’office du tourisme et la plupart des prestataires sur place vous donnent une carte détaillant les distances des différents circuits pédestres à parcourir, et qui mentionne chaque petite randonnée si la perspective de réaliser tout le tour de l’île vous effraie. Criques, falaises, plages isolées, prairie s’intercalent entre les sites référencés : les phares, le Vieux Château, les dolmens de - 3000 ans avant JC, l'église Saint-Sauveur...
Et puis, il y a ce petit port de la Meule (sur la côte opposée au Port Joinville). Vous pouvez y déjeuner, prendre l’apéritif et plonger en bouteilles. Hélas pour nous, le centre ne fait pas de sorties pour seules deux personnes. Plonger en Atlantique, ce sera pour moi pour plus tard...
L’île aux plages
C’est bon de rouler, faire halte en haut des petites falaises, regarder les goélands s’envoler, respirer l’air salin de l’Atlantique et reprendre la route sans presque jamais croiser de voitures. A tout instant, on peut couper par le centre de l’île pour rejoindre le port principal. Mais je vous assure que, à vélo, on ne ressent pas la distance si l’on sait prendre le temps de contempler.
La plupart des hébergements se trouvent à Port-Joinville et aux alentours, face au continent. Pourtant la côte ouest est toute désignée pour une tranquillité totale. Si vous vous y prenez suffisamment tôt, vous pourrez réserver quelques logements sur le site Airbnb.
A défaut d’y passer la nuit, nous décidons de profiter des derniers rayons de soleil sur la magnifique plage des Soux, située à environs trois quarts de notre itinéraire. Certes, il fait encore frais pour la saison, mais je ne résiste pas à l’appel de la mer et à l’envie de me baigner dans une eau avoisinant les 15°, d’autant qu’avant moi un septuagénaire s'y aventure avec succès. Un moment revigorant pour les 7 kilomètres qu'il nous reste à parcourir. Nous optons pour les sentiers en bord de mer...
J'avoue, je me laisserai bien tenté par le camping sauvage sur cette côte isolée (en respectant l'intégrité des sites évidemment). Si seulement j’avais embarqué mon sac de couchage !… Je garde cette idée pour plus tard.
L’île, une nuit…
Après avoir bouclé notre cyclo-tour et contemplé la marina à marée descendante, assis le long des quais , nous trouvons une chambre à "l’hôtel des voyageurs" , il est près de 19h30. Le "deux étoiles" est suffisant pour y passer la nuit, avec toutes les commodités et la vue sur le port. Une douche pour se délasser, enlever le sel et le sable restés collés sur nos vêtements et sur la peau ; enfiler des habits propres avant d'aller à la conquête des restaurants que nous espérons gastronomiques et surtout… ouverts !
Au 09, rue Georgette, dont la carte donne l'eau à la bouche, la dernière table nous passe sous le nez, tout juste réservée avant notre arrivée tardive. Tant pis… Tant mieux... Le bar à vin la Réserve du Bouchon juste à côté nous convainc par sa décoration intérieure, sa simplicité, l’originalité de sa carte des vins et la fraicheur de ses produits (de Vendée, d’Italie et d’Espagne), son fond musical de jazz mais aussi la sympathie de ses jeunes tenanciers. C'est une soirée parfaite : simple, amicale, goûteuse et peu coûteuse, loin des tumultes de la ville.
L’île, comme un tableau…
Le ciel est blanc ce matin, partiellement couvert. Malgré cela, le soleil traverse les rideaux. Notre bateau de retour sur le continent est programmé à 10.30. Nous irons juste sur la terrasse de l'Equateur, en bas sur la gauche de l'hôtel. Il parait que le weekend, l'ambiance y est festive...
Mais ce qui nous intéresse ce matin, c'est l'annonce du petit déjeuner à la française (baguette fraiche, beurre et confiture, viennoiserie au beurre, café noir) et surtout le jus de fruit pressé qui va avec, à l'orange ou au pamplemousse. J'avoue. Depuis que j'ai quitté Dubai, les jus de fruits que je buvais là-bas au quotidien me manquent. Les cocktails de fruits frais y sont variés, originaux et surtout se commandent à tous les coins de rue, même dans les échoppes les plus modestes. Et chaque fois, c'est une découverte exquise !
Cette escapade improvisée sur l'île d'Yeu m'a fait du bien. La marée remonte très perceptiblement et les bateaux posés à même l'estran sur le flan se redressent peu à peu. La mer hors du port est calme, mais ce n'est pas toujours le cas. Elle peut se déchainer dans cette région et alors empêcher les dessertes de l'Île d'Yeu par bateau... Nous embarquons... Le capitaine largue les amarres et nous quittons le quai. Des goélands nous suivent quelques mètres et regagnent la côte insulaire. Je regarde l'île d'Yeu s'éloigner doucement.. l'île alors devient comme un tableau...
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