La Norvège est le pays le plus heureux du Monde. Ce sont les conclusions récentes du World Happiness Report 2017. Parmi les 10 premiers suivent le Danemark, l'Islande, la Suisse en Europe mais encore le Canada et, plus proche de la Polynésie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Et l'on comprend sans difficulté que la qualité de vie et l'environnement y sont pour quelque chose. C'est donc l'occasion pour moi de partager avec vous le séjour inoubliable que j'ai effectué en Norvège, l'été dernier. C'était tout simplement Magique !
Ce n'est pas dans sa capitale Oslo mais plus au nord dans le comté de Møre og Romsdalen , à Stranda, Hellesylt et dans le village de moins de 60 habitants d'Eikesdalen, que je vous emmène pour découvrir une partie de ce merveilleux pays scandinave. Là, j'ai partagé mon quotidien avec une équipe cosmopolite qui décoiffe, rencontré une population animée d'une philosophie de vie et d'une gentillesse remarquables, vécu au coeur de la nature, au rythme lent et bénéfique que nous impose naturellement un environnement préservé. En vérité, bien que très différente sur le plan géographique, la Norvège me fait penser à la Polynésie : des paysages exceptionnels, une population d'une générosité innée, et partout, le mana... En Norvège, j'ai découvert que même en ne "faisant rien", on ne voit pas le temps passer tandis qu'à la fin de la journée, on se sent totalement rempli, repu, d'énergie positive, de volonté de lâcher prise, d'un sentiment profond de retour à LA Source...
A presque minuit, on reste là , ébahi devant le reflet rougeoyant du soleil qui s'accroche aux pics des montagnes enneigées et l'on s'attarde en bavardages ou en méditation au coin d'un feu. Même en été, la température avoisine parfois 0 degré. On se réveille dans un chalet de bois ; on sent le parquet craquer doucement sous ses pieds nus ; on apprécie le silence matinal et parfois l'on rit des "petits bruits" indiscrets des autres résidents, ce qui donne le ton : décontracté.
Comme une grande famille
Like a big family
Les petits-déjeuners ne sont jamais les mêmes et varient en fonction des habitudes de chacun : un café soluble ou américain pour les uns, systématiquement du thé pour les autres ; un toast aux oeufs et avocat (préparation maison gourmande), un muesli arrosé de lait de coco, (une délicieuse alternative au lait de vache), l'incontournable tartine de pâte à la noisette (celle-ci sans huile de palme)... Chaque repas fait toujours l'unanimité.
Et puis, c'est le moment d'y aller. Dehors le ciel est dégagé, le froid est vif. Ici, ma garde-robe tropicale a laissé place aux sous-vêtements de grand froid, aux polaires, aux gants, aux grosses chaussettes et aux chaussures de randonnées ... On s'engouffre dans les voitures pour 20 minutes de route, chacun plongé dans le programme élaboré la veille... Sauf moi. Je me contente de suivre le mouvement et je découvrirai ce qui m'attend sur place. Ormes, frênes, tilleuls ou noisetiers, ombragent notre route aux douces sinuosités. Les vastes plaines sont clairsemées de maisons de bois rouge, grises, parfois blanches... L'horizon est barré par la cime des montagnes... Puis sur la gauche, en toile de fond, apparaîssent la falaise d'Helsetkopen, une clôture de bois, un pont, un grand lac immobile... Au premier plan, une ferme familiale et des sculptures monumentales dressées comme des sentinelles ; elles me font penser aux moai de Rapa Nui. "C'est inspiré par ces statues de l'île de Pâques, que j'ai réalisé les miennes" me confiera plus tard l'artiste Martin Janssen.
Dans ce cocon, nous avons fait des barbecues de poisson et de viande, bu des bières, mangé des wafles maison aux fruits rouge et à la crème fouettée... Ecouté religieusement du violon le soir venu. Nous avons ri, discuté, attendu sous un ciel gris, regardé tomber la pluie. Nous avons douté parfois... Martin et son épouse Margretta nous ont reçus chez eux, comme à la maison. Dès le premier jour, ils nous ont accueillis comme si nous faisions déjà partie de cette grande famille : norvégiens mais aussi écossais, australiens, allemands, suisses, français, italiens, suédois, américains... Nous parlions ensemble un anglais que je dirais universel... C'est cela aussi le partage.
Hors-sentier ...
Off-trail discovering
C'est à Hellesylt, que j'ai découvert les coulisses du BASEjump, ce sport extrême qui consiste à sauter d'un point fixe - gratte-ciel, pont ou falaise - et à ouvrir son parachute à 100 ou 50 mètres du sol à peine. Le plus souvent ce sport se pratique avec une wingsuit offrant une meilleure portance et permettant alors au BASEjumper de parcourir une distance horizontale plus grande. En Norvège, comme certainement pour toutes les falaises propices à la pratique, il faut effectuer une randonnée, souvent de plusieurs heures, pour mériter l'état de béatitude extrême promis par la chute qui ne durera que quelques secondes. Mais ne nous leurrons pas : aucun saut n'est effectué sans évaluation ni concertation préalable des contraintes, mesures des risques et options de dégagements et d'atterrissage. Car au final, comme dans n'importe quel sport, c'est la recherche du plaisir et de l'excellence qui anime les adeptes de la discipline. Ainsi, j'ai aimé marcher pendant des heures à leurs côtés, en communion totale avec la nature. J'ai profité de paysages époustouflants à la vue imprenable, plongé dans des glaciers à peine dégelés. Je les ai regardés se jeter dans le vide, dans la vie, comme des anges...
Après quoi, je devais m'armer de courage pour rejoindre le point de départ en aval. Tous les randonneurs aguerris là-bas vous le diront : la descente n'est pas forcément plus facile. La lumière qui décline modifie votre perception, la rosée du soir ou une pluie fine rend votre chemin plus glissant. La fatigue aidant en fin de journée, les blessures par chute sont alors plus fréquentes. A vrai dire, ces heures de marche quotidienne opéraient sur moi comme une thérapie. Marcher... Regarder... Sentir et ressentir... Contempler... Marcher... Méditer.... Marcher et marcher encore. Personne ne pouvait me voler ces instants uniques. Les jours suivants, les sentiers n'étaient déjà plus les mêmes. En Norvège, la nature, même sous un ciel gris vous appelle. C'est mystique.
Sur la route des fjords et des Trolls...
On the road to fjords and trolls
Pour nous rendre à Eikesdalen, nous avons fait 5 à 6 heures de route, parcouru 270 kilomètres, avec une halte sur l'impressionnante Route des Trolls, Trollstigen, le temps de déjeuner.... et de regarder Tom Erik Heimen, une figure incontournable du BASE jump scandinave, et les Soul flyers faire de la wingsuit du Bispen. Un spectacle furtif à vous couper le souffle, à l'instar du décor planté au pied de la cascade Stigfossen. La "route des Trolls" dans cette partie du comté de Møre og Romsdalen, impraticable en hiver, est faite de virages aux pieds ou à flan de falaises abruptes et longe de nombreux fjords : Storfjorden, Romsdafjiorden, langfjiorden... Rallier les villes voisines par ferry et reprendre la route en voiture est ordinaire ici. Je me souviens mon "périple" pour aller récupérer une amie à l'aéroport de Molde : après avoir quitté la grande route, j'ai dû traverser des vallons, continuer au sommet d'une montagne, couper par des sentiers caillouteux en pleine forêt, attendre maintes fois que des vaches veuillent bien dégager le passage (Oui, j'avais un GPS et dans ce cas "toujours lui faire confiance") - puis embarquer à deux reprises sur un ferry avant d'arriver à destination. Pas de réservation préalable requise. Tout est réglé comme du papier à musique. L'embarquement se fait dans le respect des files de priorité d'arrivées et les bateaux partent pile à l'heure. Si vous ratez le coche, vous n'avez qu'à attendre la desserte suivante en contemplant le paysage.
La Norvège est le lieu rêvé des campeurs. Pour la beauté de ses paysages à la fois verts et enneigés, et parce que l'accès à ses sites magiques y est facile. S'il existe des centaines d'aires dédiées (zones de repas, toilettes et douches d'une propreté indiscutable), le camping qualifié de "sauvage" en France est autorisé ici. A condition de respecter les règles d'accès édictées par les autorités. Il arrive même que des particuliers vous offrent de planter votre tente dans leur jardin... On y est libre d'être libre !
Le goût du vrai.
The taste of real
Plus un jour ne passe sans que j'entame une marche, un footing ou une randonnée de deux à quatre heures sous une bruine matinale. Il y en a pour tous les niveaux et les pistes sont signalées un peu partout sur les routes norvégiennes. En un mois au pays des Vikings, j'ai réalisé plus de randonnées qu'en 10 ans à Tahiti. Je me promets de changer cela en rentrant au Fenua...
Seule ou accompagnée, je traverse des forêts de conifères et de feuillus, les buissons de baies. Framboises, myrtilles et fraises poussent en abondance comme de la mauvaise herbe. Nous n'avons qu'à les cueillir et l'un de nous se dévouera pour préparer une tarte de la cueillette du jour - mieux que bio - naturelle.
A Eikesdalen, nous mangions la plupart du temps à Vertshuset, l'unique restaurant du village, tenu par le discret NiKolai Finset et ses proches. Nikolai officie aussi à la paroisse du village qui, construite en 1866, fêtait ses 150 ans lorsque nous y étions. Hélas ce jour-là, je suis arrivée à la fin de la cérémonie mais Nikolai a pris le temps pour me faire visiter ce patrimoine historique. Nikolai est de ces personnes de prime abord réservées, imposantes, distantes et qui en fait vous tendent les bras à leur manière. Il fait froid, Nikolaï vous rejoint sur votre lieu de travail et vous offre une soupe de sa préparation, à 10h00 du matin... Il croise votre chemin en voiture, vous êtes à pied : il vous invite et vous conduit jusqu'au repas collectif du village organisé ce jour-là. Vous êtes en couple, il vous propose de vous marier dans la semaine. Vous avez des projets d'articles pour un magazine de voyage, il vous indique tous les sujets d'intérêt de l'été. C'est ainsi que j'ai su que se tenait le "grand marché annuel" installé non loin sur les abords de l'immense lac Eikesdalsvatnet. Artisans locaux et des autres villages de la municipalité de Nesset dont fait partie Eikesdalen, en profitent pour promouvoir leur production : fromages, charcuteries, vannerie, sculpture... Il y a même une exposition de photos. Nous en profitons pour goûter le Rømmegrøt, ce qui semble étonner et beaucoup amuser les norvégiens. Le Rømmegrøt est un porridge chaud à base de lait caillé, de farine, de sucre et de cannelle. Un goûter parfait pour affronter la fraicheur persistante...
Mère Nature, ou le mana norvégien...
Mother Nature, or the Norwegian Mana
L'autre événement insolite, c'est le concert nocturne qui a eu lieu en plein air, malgré la pluie, aux pieds de l'impressionnante cascade de Mardalsfossen. La puissance hydraulique de Mardalsfossen est désormais utilisée pour l'alimentation électrique, ce qui dans les années 70 avait fait naître un des plus gros mouvements écologistes, Deep Ecology, sous la houlette de Arne Naess. Chaque année, de Juin à Aout, le débit est totalement libéré et l'on peut alors observer toute la puissance de Mardalsfossen. Quelle chance d'être venue en cette saison ! J'ai donc approché ces chutes de 655 mètres parmi les plus hautes d'Europe... L'occasion d'une autre randonnée, d'une autre connexion à la nature, d'une autre introspection...
Inlassablement, je photographiais... j'écrivais... sur tout, sur rien. En me relisant, je vois bien que mes mots ne suffisent toujours pas à décrire avec fidélité cette énergie puissante et sourde qui vibrait tout autour de nous, comme une force bienveillante, rédemptrice, apaisante, invisible... Etait-ce la présence des Ases (Dieux nordiques), des Elfes, des ancêtres Vikings... ? C'est sûr, je reviendrai.
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