"Je vivais oppressée ces cinq dernières années mais en Afrique, je retrouve le grand air. Ici, on se sent libre. Libre de respirer, dans des espaces que le béton n'a pas encore volés. Je vis ce séjour comme quelque chose d'unique et chaque fois qu'un sentiment négatif vient toucher mon âme, mon coeur et mes espoirs d'être une femme heureuse, je repense à l'Afrique." Vaite poursuit son aventure africaine, une aventure humaine, mais surtout son cheminement cathartique. Texte : Vaite LEBIHAN (Adaptation : T CALISSI) / Photos : Vaite LEBIHAN, Eva Vpori, Loic Bourret.
Aujourd’hui, on nous emmène découvrir un site protégé, le delta de la Saumoné, une lagune sableuse. Je suis impatiente de découvrir cet endroit. Nous y sommes après deux heures de route. Nous arrivons dans une autre réserve naturelle, c’est magnifique, je n’ai pas d’autres mots. C'est un lieu préservé pour les pélicans, les flamands roses, les hérons, et c’est un bonheur pour les pêcheurs de crabes, d'huîtres, de coquillages... Tout est à disposition. C’est un lieu sacré, avec son « Petit baobab » qui existe depuis deux siècles, érigé sur un petit îlot, il est couvert de coquillages. La tradition veut que nous y fassions un vœu, que je vais faire, de tout mon cœur.
Coquillage et marécage...
Nous avons un guide avec une petite embarcation. On est loin du confort touristique. La marée est basse, on touche presque le fond. Au loin, une autre embarcation est enlisée, c’est une vaste zone sableuse ; les hommes descendront pour la pousser.
Il fait évidemment très chaud ; nous allons nous baigner. Nous nous laissons entraîner par le courant en partant du bout de l'île et nous laisserons transporter jusqu’à la mer. Je me ferai surprendre par ce fleuve, je lutterai pour revenir à contrecourant en évitant, par peur, de poser mes pieds sur le fond que nous ne voyons pas : le sable a une texture vaseuse. Pendant que je lutte pour revenir vers elle, Eva n’arrête pas de rire.
Nous déjeunerons chez des Rasta, il n’y a pas de menu, c’est le poisson du jour, de la lotte, de la dorade, du barracuda. Nous profiterons même de la dégustation du thé noir.
Nous décidons d'appeler notre ami Allasan ; il nous avait parlé d’une plage magnifique... Il arrive en scooter : c’est un bel homme musclé et sportif, pour le bonheur de Loïc et Eva qui sont tous les deux sous le charme. Eva descend de la voiture pour monter derrière lui, elle rayonne. Mais sur la route, la police et l’armée sont présentes, et ils se feront rapidement arrêter. Il faut savoir que tout est corrompu ici, nous devrons donc payer pour sortir de cette galère. Ici, c’est comme ça, si tu ne veux pas d’histoire, tu payes « CCA ». (C'est ça l'Afrique !)
Il est déjà très tard, nous reprenons la route vers chez Fred et nous arrêtons en chemin acheter à manger.
A peine descendus de la voiture, nous sommes harcelés par les enfants et les hommes qui nous entourent. Mais cette fois, c'en est trop pour Eva ; elle se sent oppressée, s’énerve tandis que Loïc est obligé de s’enfermer dans la voiture. Moi, je suis dehors avec Nabou, on attend nos plats. Je n’ai plus peur.
La réalité du partage
Jeudi 26 octobre : départ pour L’île de Jouale, « île coquillages ». On nous a prévenu, c’est plus pauvre que l’île Gorée et les vendeurs ambulants sont plus insistants. Nous verrons bien, ça n’empêche pas mon impatience à découvrir.
La route pour nous rendre sur l’île, est une sorte de "retour en arrière", je n’avais jamais vu cela. Tout le long, des singes et des vaches, traversent la route. Il y a de petits villages espacés les uns des autres, les maisons sont remplacées par des petites cases. Il fait plus chaud que d’habitude. C’est une zone sèche, il n’y a que du sable.
On nous avait prévenu et c’est pire que ça. Ils vivent dans un dépotoir géant. C’est horrible, Il faut le voir pour comprendre. 40 degrés au milieu de merde, ça sent la mort, j’ai l’estomac retourné. Je n’ai aucun mot, je ne peux pas parler, je suis nauséeuse. J’ai vraiment envie de vomir. Dans ma tête, toute ma vie défile alors et s'entrecroise avec ces gens.
Pour rallier l'île, un long pont en bois de 525 m : un guide arrive et nous informe que nous devons payer le passage. Puis nous y sommes : l’odeur me prend encore au nez, au bide. Des cochons, des poules, des ânes vivent en toute liberté, et tout le monde partage la même eau ... C’est peut-être le seul endroit au monde, où les musulmans et les catholiques vivent ensemble, où ils partagent le même cimetière. Je sais que je suis en recherche de bien-être, d'affection et de paix et je trouve dans ces villages de l'amour, de l'entraide et je ressens de la protection. C’est pauvre et c’est d’une tolérance exemplaire.
La terre, la famille... le bonheur.
Ce jour là, nous avons visité un terrain pour le frère de Loïc. Christophe respecte cette terre d'Afrique, devenue aujourd'hui son pays d'adoption. Christophe et moi avons beaucoup parlé, du bonheur, des priorités. Il m'aide et il ne le sait même pas. Christophe m'explique qu'il en a vu des blancs voulant aider ce pays si beau, Mais il analyse que ces gens ne commencent pas par le début. Ici, le début pour un Homme, c'est l'Honneur. L’honneur de prendre soin de sa famille, de pouvoir la nourrir, de gagner de l'argent pour survivre car même dans ces villages reculés, l'argent a malgré tout de l'importance.
Dans ces campagnes Africaines, Christophe nous fait participer à sa réussite d'avoir un terrain et de pouvoir y faire pousser des arachides. On assiste à une scène de business mais on est loin des salles de réunions occidentales. Ici, pour sceller un partenariat, il suffit d'une poignée de mains, des présentations de la famille, de s'assoir tous ensemble, prendre le thé, savourer des cacahuettes africaines.
Nous comprenons aussi la dureté du travail. En pleine chaleur, ses femmes et ses enfants travaillent au champs, un travail difficile, à ramasser des arachides. A cet instant, je regarde ces femmes Africaines et je pense à la vie avec l'homme avec qui je vivais à l'époque, égoïste et sans âme : c'est certain, ces femmes sont plus heureuses que moi...
Je suis avec Eva sur une charrette, il y a un seul arbre qui nous protège à peine du soleil. Nous n'avons pas d'eau, nous crevons de chaud. Je regarde autour de moi et je vois des enfants courir dans les champs voisins. Ils nous espionnent de loin. C'est nous l'attraction, mais je n'ai plus peur de vivre cela. Ce jour la, j'ai donné a ses enfants, si surpris de nous rencontrer, mon chapeau savane, mes breloques achetées à Paris ... tout ce que j'avais sur moi. A cet instant, le confort m'importe peu. je transpire, ma peau a la couleur de la terre rouge d'Afrique. Je suis heureuse, je suis proche de la sérénité. J'ouvre les yeux sur ma vie et je sais qu'a jamais je suis transformée.
"Chaque jour qui passe est une petite victoire". On m’a dit que selon certaines croyances, on envoyait des épreuves aux âmes fortes. J’en fais partie, on me l’a dit aussi : une des femmes du village en me touchant la main. Je ne sais pas si c’est vrai. Mais l'épreuve je l'ai vécue, juste apres ce voyage ; j'ai combattu avec force .... et j'ai gagné. Texte Vaite LE BIHAN
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